jeudi 3 mai 2007

LES GODILLOTS DU CAUDILLO








Godillot et caudillo sont des quasi-homophones (prononciation voisine) mais parfaits antonymes (sens différents).

Un godillot est une grosse chaussure militaire, un de ces épais brodequins taillés pour tout endurer, ce qui a donné, par extension, une personne docile et prête à tout endurer de la part de son chef.

Précisément, en espagnol, "chef" se dit "caudillo" (prononcer : kaou'diyyo), alias "dictateur", titre qui a été particulièrement "bien" porté par des individus comme Perón, Franco, Pinochet, Videla, Banzer et tant d'autres dictateurs, pas toujours sud-américains ni hispaniques, d'ailleurs, comme nous l'ont montré la Grèce des Colonnels, l'Italie, l'Allemagne, le Portugal, tant de républiques bananières, arachidières, cacaoyères, pétrolières, diamantifères, aurifères, gazières... d'Afrique, d'Asie, d'Europe de l'Est, etc.



Lu dans la presse :


Alexis Brézet, lefigaro.fr, 3 mai 2005



Extrait :

Servis par une mise en scène sobre et efficace, les deux champions qui se disputent la magistrature suprême ont donné le spectacle d'un échange de bonne tenue, certes peu prodigue en nouveautés - une taxe inédite, et un recul sur les 35 heures, tout de même à l'actif de Royal ! - mais qui aura permis aux vingt millions de Français qui devaient suivre l'émission, de mieux cerner la personnalité des deux candidats tout autant que les stratégies diamétralement opposées que dictait à chacun son équation politique.

(...)

À la traîne dans les sondages, accusée « d'incompétence » par la droite, et parfois dans son propre camp, Ségolène Royal devait quant à elle contre-attaquer et afficher dans le même temps sa connaissance des dossiers. Elle a mieux réussi dans le premier exercice que dans le second : moins souriante qu'à l'ordinaire, elle a montré davantage d'efficacité dans le registre de la colère (un peu surjouée) que sur les 35 heures, la fonction publique, la fiscalité et la Turquie, où, le plus souvent elle, s'est contentée d'évasives généralités («Tout se tient »), d'étonnantes incantations («je le ferai ») ou d'erreurs manifestes (le nucléaire). Sur la sécurité, l'emploi, bref tout ce qui renvoyait son interlocuteur au bilan de la droite, elle a bien tenté de pousser l'offensive, mais Sarkozy, chattemite, adossé à une incomparable connaissance des dossiers, l'a plus d'une fois renvoyée dans ses buts...

...

A l'arrivée, la maîtrise sarkozienne a gardé tout son éclat, en gagnant en sérénité.


Fin de citation.

Venant de la part d'un journaliste du Figaro, journal ami de M. Sarkozy, il n'y a rien d'étonnant ! Du reste, tout le monde s'accorde à affirmer qu'il y a eu "match nul", ce qui voudrait dire que le "meilleur des deux", entendez Nicolas Sarkozy, n'aurait pas eu raison de l'"incompétente" et bien "insipide" Mme Royal !

Mais, de toute évidence, Alexis Brézet et moi n'avons pas vu le même débat... Que dis-je : "débat" ! Mais quel débat ?

Pour débattre, il faut être au moins deux !

Merci à Libération de nous avoir offert une transcription du "débat", que Monsieur Brézet aurait interprété différemment s'il n'avait pas été muni de bien épaisses oeillères...

Extraits :

Nicolas Sarkozy: Je ne veux pas polémiquer. Mme Royal trouve qu'il n'y a pas assez de policiers. C'est dommage que le groupe socialiste n'ait pas voté les créations d'emplois de policiers ces dernières années…

Ségolène Royal: Permettez que je vous interrompe ? Le commissariat de Clichy que vous avez promis, il n'est pas ouvert.

(...)

Nicolas Sarkozy: Mme Royal dit qu'elle va transférer aux régions...

(...)

Arlette Chabot: Sur la croissance, si vous voulez répondre...

Nicolas Sarkozy: Mme Royal ne m'en voudra pas, mais a évoqué tous les sujets en même temps, elle risque de les survoler et de ne pas être assez précise.

Etc, Etc.

Jean-Paul Gourevitch, dans le même figaro.fr

(...) Je dirais que Ségolène Royal a réussi à se maintenir presqu'au même niveau que Nicolas Sarkozy, ce qui a dû rassurer l'électorat de gauche. Mais elle s'en est tirée grâce à une stratégie d'évitement, en sautant sans cesse d'un sujet à l'autre, pour insister sur la cohérence générale de son projet, alors que son vis-à-vis aurait préféré traiter les questions avec précision, les unes après les autres. Il y a eu une vraie opposition entre eux sur le rythme du débat, je dirais presque sur sa scansion.

(...)

Qu'avez-vous pensé de la performance technique de chacun des protagonistes ?

Je dirais que M
me Royal a été plus audible, peut-être parce qu'elle se tenait plus droite et directement au-dessus du micro, et aussi parce qu'elle bougeait beaucoup moins que Nicolas Sarkozy. Sur la longueur, elle a donné le sentiment de mieux se maîtriser, même si la gestuelle du candidat UMP a pu paraître plus naturelle. On l'a senti soucieux de convaincre les téléspectateurs, et même les deux journalistes qui animaient le débat. Il les a fréquemment pris à témoin, alors qu'elle ne leur a jeté que de brefs coups d'oeil.


Stratégie d'évitement de la part de Ségolène Royal ! Bigre, fichtre, diantre ! Et puis quoi encore ?

Moi, j'ai vu un Nicolas Sarkozy, qui a passé le clair de son temps à parler de son interlocutrice à la troisième personne, démontrant par là-même qu'il n'était pas venu débattre avec elle, mais avec ses amis, les journalistes, dont il a interpellé un à travers un vibrant "Voyez-vous, Monsieur d'Arvor...", ignorant ostensiblement la malheureuse Arlette Chabot !

Et pour enfoncer le clou, comme le note Gourevitch, Sarkozy a bien passé la moitié du temps, voire plus, à se tourner ostensiblement vers sa droite, là où étaient placés les journalistes, comme pour les appeler à la rescousse, ce qu'ils ont bien tenté de faire une paire de fois, avant de se faire renvoyer dans les cordes par Ségolène Royal.

Ce que je viens de faire là est une observation tout ce qu'il y a d'objectif ! Tous les téléspectateurs honnêtes ont pu la faire ; et cela n'a rien à voir avec la sympathie que pourraient susciter les débatteurs, ou l'attachement qu'on aurait à leurs idées.

En clair, il n'y a pas eu de débat, en raison d'un étonnant réflexe de fuite, ou d'évitement, du candidat Sarkozy, et non pas de Ségolène Royal !

Les éthologistes, spécialistes du comportement animal, savent que les animaux vivant en meutes sont toujours régis par des individus dominants, régnant sur l'ensemble d'un groupe. Le fait est que, chez les fauves (lions, hyènes, lycaons, loups), le dominant est presque toujours une DOMINA(NTE), souvent baptisée "femelle Alpha".

Et vous savez comment les dominés manifestent leur soumission à la femelle Alpha ? Ils baissent la tête, baissent les yeux, baissent la queue, se font tout petits...

Et c'est exactement cela que j'ai vu l'autre mercredi (2 mai 2007) à la télévision française : j'ai vu le terrible Nicolas Sarkozy fuyant le regard de Ségolène Royal, recherchant du réconfort du côté des deux journalistes, n'osant pas dire "vous" à son interlocutrice. Et il a fallu toute l'ingéniosité du réalisateur, pour nous faire croire que Sarkozy était tout le temps face à la caméra, alors qu'en fait, il se contentait de faire admirer son profil gauche à Ségolène Royal !

Le plus extraordinaire a quand même été cette réplique lancée à Ségolène Royal :

- Pardon madame !

Le problème est que ces deux mots aient été prononcés - à l'intention de Ségolène Royal - alors que le candidat Sarkozy avait la tête tournée vers... Poivre d'Arvor et Chabot !

Tiens, au fait : un petit détail... Je conseille à Messieurs Brézet, Gourevitch, Duhamel (Alain), Barbier, Giesbert, Apathie, ainsi qu'à tous leurs confrères et - soeurs, politocrates de pacotille, d'aller, donc, sur le site de Libération (
Libération.fr ), et d'y examiner l'extraordinaire photo qui illustre l'article que je citais plus haut, photo de la poignée de mains entre les deux débatteurs... On y voit Ségolène Royal lançant un regard franc sur son adversaire du jour, tout en le gratifiant d'un large sourire... Et que fait ledit adversaire à cet instant précis ??? Je vous le donne en mille !





Cette photo est à mourir de rire !!!!!!!

Autre chose : il paraît que Ségolène Royal a passé son temps à interrompre son adversaire... Voici un extrait particulièrement instructif sur ce qui s'est réellement passé :

Patrick Poivre d'Arvor [s'adressant à Sarkozy] : Comme vous avez rééquilibré votre temps de parole, et bien au-delà, je voudrais que l'on revienne à la première question que nous avions posée sur votre conception de la Présidence de la République et sur les institutions. Faut-il changer de République pour cela?

Arlette Chabot: Sur la croissance, si vous voulez répondre...

Nicolas Sarkozy: Mme Royal ne m'en voudra pas, mais à évoquer tous les sujets en même temps, elle risque de les survoler et de ne pas être assez précise.

Ségolène Royal: Laissez-moi la responsabilité de mes prises de paroles si vous le voulez bien.

Nicolas Sarkozy: Je ne me permets pas que critiquer, mais je faisais simplement remarquer que si vous parlez de tout en même temps, on ne va pas pouvoir appronfondir.

Ségolène Royal: Tout se tient, la dette et la relance économique se tient.

Nicolas Sarkozy: La précision n'est pas inutile dans le débat public pour que les Français comprennent ce qu'on veut faire. Il me semble que, s'agissant de la réduction de la dette, vous n'avez fixé aucune piste d'économies. C'est votre droit le plus absolu. La relance de la croissance, c'est encore plus intéressant, vous n'avez donné aucun moyen pour relancer la croissance. J'en ai un. Vous avez raison, il faut relancer la croissance. Le problème de la France est qu'il y a 1% de croissance de moins que les grandes démocraties, les grandes économies qui progressent dans le monde. Pourquoi? Parce qu'on travaille moins que les autres. Quel est le levier pour obtenir 1% de croissance de plus? C'est respecter le travail, récompenser le travail, valoriser le travail...

(...)

Suit un très long tunnel de Nicolas Sarkozy, lequel a réussi à empêcher son interlocutrice de développer sa pensée plus de trente secondes d'affilée !


(...)

Ségolène Royal (qui reprend la parole) : Je n'ai pas dit que j'augmenterai le nombre de fonctionnaires, ne déformez pas mes propos. J'ai dit que je maintenais leur nombre, mais que je les redéploierai en les retirant là où ils ne sont plus nécessaires…

Nicolas Sarkozy: Vous ne pouvez pas passer d'une fonction publique à une autre.

Ségolène Royal: Au moment du départ à la retraite, au lieu de recruter des douaniers, je recrute des infirmières.

Nicolas Sarkozy: Mais non, ce n'est pas possible, Madame. La fonction publique hospitalière est payée par un autre budget que le budget de l'Etat.

Ségolène Royal: Vous plaisantez ! Tous les fonds publics, tout se tient.

Nicolas Sarkozy: Parce que vous pensez que vous gérez l'assurance maladie.

Ségolène Royal: Non, ce n'est pas moi, mais c'est quand même de l'argent public dépensé, des cotisations payées sur les salaires.

Nicolas Sarkozy: Vous ne pouvez pas redéployer entre les collectivités territoriales et l'Etat et entre l'Etat et l'assurance maladie. Ce n'est pas vous qui décidez.

Ségolène Royal: Si vous ne pouvez pas faire, pourquoi voulez-vous accéder aux responsabilités? Et bien moi, je le pourrai.

Nicolas Sarkozy: Ah bon. Si je suis Président de la République, je ne pourrai pas diminuer les effectifs du conseil régional de Poitou-Charentes.

Ségolène Royal: Pourquoi pas ?

Nicolas Sarkozy: Cela s'appelle l'indépendance des collectivités territoriales. C'est un droit de libre administration garantie par la constitution.

Ségolène Royal: Ce n'est pas l'Etat qui le décidera. C'est la cohérence politique de la répartition responsabilités. Vous avez fait une loi de la décentralisation tellement confuse qu'il y a, je l'ai dit tout à l'heure, qui a entraîné une superposition des compétences entre les différentes collectivités territoriales ce qui fait que tout le monde s'occupe de tout et qu'il y a beaucoup trop de gaspillage.

etc.

L'extrait ci-dessus est particulièrement symptomatique de ce qui s'est réellement passé au cours de ce débat : ce n'est pas Ségolène Royal qui a systématiquement coupé la parole à son adversaire ; c'est tout le contraire ! Entre nous soit dit : n'est-il pas franchement pitoyable d'entendre le président en exercice du parti au pouvoir se désolidariser ostensiblement de ses amis politiques, à coups de : ... je n'ai jamais été ministre de l'Education nationale !
ou de :

... je n'étais pas Premier ministre non plus !
Ce sont Gilles de Robien et Dominique de Villepin qui ont dû apprécier ! Mais je ne résiste pas au plaisir de servir à Monsieur Brézet Alexis, ainsi qu'à quelques autres, quelques perles servies au cours du débat par Monsieur Sarkozy (qui a oublié de rappeler que Ségolène Royal voulait accorder la nationalité française aux sans-papiers, déclaration faite l'autre dimanche, sur Canal Plus... Lire plus bas dans ce blog.) :

Nicolas Sarkozy dixit :


- Douze millions de familles françaises qui aimeraient être propriétaires et qui ne le peut pas...


- J'ai été stupéfait d'apprendre que Mme Royal voulait donner des papiers à tout le monde...
(quelques jours auparavant, sur Canal Plus, [interview Laurence Ferrari], il reprochait à Ségolène Royal de vouloir accorder la nationalité française à tous les parents et grands-parents d'enfants scolarisés en France.)

- Le problème de la France, c'est qu'on paie trop d'impôts. Qu'est-ce que ça aboutit ?


- J'ai le droit de parler du handicap... Ce n'est pas le monopole qui est le vôtre !
(Ici, il semble que l'ami Sarkozy ait voulu recycler, un peu précipitamment, le fameux "vous n'avez pas le monopole du coeur", servi par Giscard d'Estaing à François Mitterrand, un jour d'avril 1974.).

- Quand on discute, c'est pas obligatoirement pour dire "oui".


- Nous avons le droit de choisir de qui a le droit de venir sur notre territoire.


- Quand elle (une association de femmes battues) me soumet des dossiers, c'est des dossiers qui ont été étudiés.


- Mais en grâce, n'ajoutons pas la crise institutionnelle.

Le plus drôle, ça va être les fameux sondages ; il faut dire que, sans sondages, nos C.D.S. (commentateurs de sondages) de la grande presse ne savent plus trop où ils mettent les pieds... Mais dès que paraîtront les premiers sondages, vous allez avoir droit à des "c'est Sarkozy qui a gagné !" ou encore des "58 % des FRANÇAIS pensent que Sarkozy a gagné..."




Madame Royal se permet d'employer ce mot : "immoral"... Nicolas Sarkozy.


En fait, les choses sont très simples : les Français pensent-ils, avec Ségolène Royal, que Nicolas Sarkozy a une approche immorale de la politique, ou sont-ils d'un avis contraire ? Là est la question qui nous taraude, à la suite de ce fameux débat.

En ce qui me concerne, ma religion est faite depuis un bon moment. Mais il paraît qu'il y a encore des hésitants...

A ceux-là, j'aimerais soumettre un tout petit quiz, qui devrait les aider à se faire une opinion. Jetons un coup d'oeil sur la couverture du numéro du magazine Marianne du 28 avril 2007.







Ainsi que de photos parues dans un autre numéro du même magazine.






En clair : chers amis hésitants, vous devez vous poser une question simple :

1. Si vous pensez que Nicolas Sarkozy est "visité" par le Saint-Esprit, et que sa taille varie, selon les jours, les circonstances, et les visites de l'Esprit-Saint, entre 1,68 et 1,83m, alors vous voterez, les yeux fermés, pour lui, au second tour de la présidentielle, parce qu'un homme doué de tels pouvoirs est forcément celui qu'il faut à la France. Mais si...

2. Vous pensez qu'il est impossible que Nicolas Sarkozy ait, tantôt, la même taille qu'Angela Merkel, tantôt, la même taille que George W. Bush, et que, par conséquent, la photo faite à la Maison Blanche est consécutive à une énorme embrouille, embrouille laissant planer les doutes les plus sérieux sur la probité, la moralité, voire la santé mentale du quidam qui se laisse aller à de telles stupidités, alors, vous ferez en sorte, non seulement que Nicolas Sarkozy ne soit jamais le président de la République française mais, de surcroît, vous l'inviterez à quitter définitivement la vie politique, car il n' a strictement rien à y faire !



A suivre...