Marine Le Pen
Pourquoi ne pas le dire ? Marine Le Pen a réussi son baptême du feu présidentiel. On me dira qu'il vaudrait mieux attendre les résultats du vote. Mais bon, le présent exercice consiste à juger objectivement une performance, sans tenir le moindre compte des sondages. Et puis, qui sait, des fois que des indécis tomberaient sur mon blog avant d'aller voter !
Franchement, je pense qu'elle a de quoi sortir parmi les deux qualifiés du second tour. Je me souviens simplement d'un Jacques Chirac, candidat sortant en 2002, et qui émargeait à 18 pour cent et des poussières ! Question : le candidat sortant de 2012 est-il en meilleure position que Chirac en 2002 ? Dans le cas contraire, Le Pen a toutes ses chances !
Une impression étrange quand même : Marine Le Pen fume, et cela s'entend. Je veux dire qu'elle a la voix étrangement plus grave que celle de son père.
Autre constat : Marine Le Pen est l'une des rares candidat(e)s à sourire à l'écran. Ça change de la plupart des autres candidats, hormis Poutou et Cheminade.
Mon avis :
- La forme. La campagne télévisée semble manquer de couleurs, l'essentiel ayant été tourné en studio. J'ai trouvé le fond bleu uni un peu lassant pour l'oeil. L'adresse du site Internet est bien visible à l'écran. Pour le reste, Marine Le Pen a hérité de son père le style "one... show", en l'occurrence "woman". Donc, aucune intervention de comparses du F.N. ni de référence au parti. Je doute que ce soit la meilleure façon de préparer les législatives, dites donc !
- Le fond. Il y a eu comme des fluctuations. D'abord, cette histoire de dédiabolisation. On a pu s'attendre à une ouverture. Et puis, retour à la case départ : le recentrage sur les fondamentaux, en l'occurrence le bon vieux fonds de commerce autour de la bonne vieille antienne sur l'immigration, l'islamisme, l'abattage rituel - lequel se limiterait au hallal ; comme c'est bizarre ! -, la laïcité sélective. Oui, sélective, car Marine Le Pen ne parle jamais de l'Alsace-Moselle et du concordat ! Ce qui ne l'empêche pas de claironner à tout propos que l'Etat ne reconnaît ni ne subventionne aucune religion, ce qui est rigoureusement faux. Mais bon.
- Cela dit, le recentrage de Le Pen sur les fondamentaux du Front National peut s'expliquer par l'hémorragie subie en 2007 au profit du futur "vainqueur de l'élection" (pour ma part, j'ai toujours considéré que c'est Ségolène Royal qui a, au moins moralement, gagné cette présidentielle.). Il va sans dire qu'il était impérieux pour Marine Le Pen de récupérer cet électorat-là, ce qui ne devrait pas être très difficile, étant donné le niveau de déception et le taux de rejet suscité par le candidat sortant, y compris dans son propre camp.
Au final ? Une bonne campagne, même si l'on aurait pu espérer un peu plus d'audace. Mais après le bien tristounet 11 % de 2007, j'imagine qu'il s'agit avant tout, pour l'héritière de la dynastie Le Pen, de faire bonne figure, pour une première tentative, surtout si l'on pense être là pour quarante ans ! Ce qui est certain, c'est que pour durer, en allant jouer dans la cour des grands, Le Pen et le FN vont devoir s'imposer - ils n'ont pas le choix - une vraie cure de dédiabolisation qui passe, non pas par la séduction des bobos des beaux quartiers, mais une plus grande intégration des jeunes des quartiers populaires, originaires notamment d'Afrique et des Dom-Tom.
Question : de fait, quid des législatives ? Je veux dire que même à supposer que Marine Le Pen accède au second tour de la présidentielle, chose tout à fait plausible, ça sert à quoi si elle ne gagne pas l'élection et si son parti récolte zéro élu aux législatives ? Le Front National ne servirait-il qu'à assurer les "one-man-woman-shows" de la famille Le Pen ?
Le fait est que les circonscriptions où le Front National a les meilleures chances de bien figurer aux élections locales sont des circonscriptions populaires, avec un électorat d'employés, d'ouvriers et d'immigrés. Et ces derniers risquent fort de toujours barrer la route aux candidats du Front National, faute d'un effort conséquent d'ouverture de ce parti dans leur direction. C'est pourquoi j'estime que la stratégie de recentrage pour la présidentielle, sur les thèmes chers à la droite nationaliste pure et dure, risque de s'avérer inopérante, voire contre-productive aux législatives, comme elle l'est déjà aux municipales, face à un noyau dur d'électeurs issus de l'immigration ou des Dom-Tom, ce qui devrait condamner le Front national à des triangulaires dont il ne peut sortir que perdant. Cet état de fait est d'autant plus curieux qu'en étant quasiment la seule à marteler bien fort son opposition à la guerre d'agression internationale contre la Libye, Marine Le Pen a suscité des espoirs chez de nombreux Africains de toutes obédiences.
Une Marine Le Pen sur une estrade, entourée de quelques dizaines de jeunes de toutes les couleurs, voilà qui m'a manqué sur les images de la campagne officielle de la présidente du Front National.
Et puis, entre nous, quand des Africains prennent fait et cause pour vous, considérant que vous constituez un bon symbole d'une rupture avec la Françafrique, pourquoi ne pas annoncer, dans le cadre d'une campagne officielle, qu'on est pour la fermeture pure et simple des bases militaires françaises à l'étranger ? Voilà qui aurait constitué un signal fort, car le moins qu'on puisse dire est que l'Afrique a été absente de cette campagne. Et voilà qu'un Mouvement des Africains de France (MAF) appelle à voter pour Hollande, celui-là même qui a cautionné l'agression internationale contre la Libye. Un très mauvais point pour Le Pen !
Notes :
Forme : 4/5
Fond : 7/10
Impression générale : 4/5
Total : 15/20